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Mgr Emmanuel de France : « Le Patriarcat œcuménique ne menace pas ni n’est menacé »

Nous vous proposons la traduction française de l’entretien avec Mgr Emmanuel de France donné au journal grec « Ethnos » dans son édition du 9 septembre et repris en ligne par le d’informations grec Orthodoxia.info.
Excellence, vous étiez présent lors la rencontre qui a eu lieu vendredi dernier, au Phanar, entre le patriarche œcuménique et le patriarche de Moscou. Ainsi qu’on l’a appris, le thème principal était l´intention du Trône œcuménique d’accorder l’autocéphalie à l’Ukraine. Pourquoi le Patriarcat de Moscou réagit-il à ce sujet ?
La rencontre a eu lieu suite à la demande de Sa Béatitude le patriarche de Moscou, que Sa Sainteté le patriarche œcuménique Bartholomée a volontiers acceptée. Cette rencontre a été retardée durant deux ans et quelques mois, dans le sens où une rencontre des deux primats n’a pas eu lieu depuis janvier 2016. À noter que le Saint et Grand Concile de Crète s’est tenu en juin 2016 sans la participation du Patriarcat de Moscou et de trois autres Églises et cela sans justification significative.
Vous comprenez certainement que ma présence aux côté de Sa Sainteté durant la rencontre ne m’autorise pas à me référer au contenu de la discussion. Cependant, je puis affirmer qu’elle s’est déroulée dans un climat fraternel et franc et que des sujets liés aux relations entre les deux Églises, à savoir l’Église-mère de Constantinople et le Patriarcat de Moscou, ont été discutés ainsi que d’autres sujets à caractère panorthodoxe.
Quant à votre question relative à la position arrêtée par le Patriarcat de Moscou sur l’intention du Patriarcat œcuménique d’accorder l’autocéphalie à l’Ukraine, je dois faire les remarques suivantes : suite à la réunion du saint et sacré Synode du Patriarcat de Constantinople, le 20 avril, l’intention de l’Église mère de Constantinople d’accepter la demande du peuple ukrainien d’obtenir l’autocéphalie est connue. Dès que le processus d’information des autres Églises orthodoxes autocéphales a été engagé, le Patriarcat de Moscou s’est démarqué quant à l’octroi de l’autocéphalie à l’Ukraine.
Comme on le sait, pour le Patriarcat œcuménique, Kiev a toujours joui de sa sollicitude. Même après l’octroi au patriarche de Moscou du droit de sacrer le métropolite de Kiev, par l’Acte patriarcal du patriarche œcuménique Dionysios IV en 1686, le droit du métropolite de Kiev de commémorer le patriarche œcuménique avant le patriarche de Moscou reste en vigueur. Cette référence durant la célébration de la divine liturgie garantit la dépendance du métropolite de Kiev par rapport à chaque patriarche œcuménique, dont il est considéré comme exarque.
Même si la communication n’a pas toujours été facile, pour des raisons liées à diverses difficultés et de conditions historiques et politiques propres, cela ne signifie point que ce sujet a cessé d’occuper le Patriarcat œcuménique ; c’est pour cela que la question de l’Ukraine est mentionnée dans l’Acte patriarcal d’autocéphalie de l’Église de Pologne en 1924.
D’après des cercles ecclésiastiques, le patriarche œcuménique Bartholomée a informé Mgr Cyrille, afin d’atténuer les réactions du Patriarcat de Moscou, de ce que l’autocéphalie ne concernera pas les populations orthodoxes russophones en Ukraine. Est-ce le cas ?
Le Patriarcat de Constantinople a annoncé la décision relative à l’autocéphalie de l’Ukraine, décision qui représente, d’une part, un engagement de la part du Patriarcat œcuménique et, d’autre part, un processus qui exige un traitement délicat grâce au tact et à la sagesse du Trône œcuménique. Je désire rappeler que l’Église mère n’est pas éclectique quant à l’octroi de l’autocéphalie et que son désir est que survienne la meilleure solution possible à ce problème ecclésiastique en suspens et que l’ensemble du peuple orthodoxe ukrainien en profite.
Il est de notoriété générale que le Patriarcat œcuménique ne décide pas en fonction de considérations géostratégiques ou politiques. Toutefois, beaucoup se demandent, en comparant les populations orthodoxes des deux pays (Russie – Ukraine) si une telle ne va pas perturber les relations du Phanar avec l’un des plus grands patriarcats de l’orthodoxie…
En tant qu’Église mère de tous les patriarcats et Églises autocéphales plus récents, le Patriarcat œcuménique n’a pas agi sur base d’intérêts propres ou de pressions politiques. Son seul souci est le maintien des relations harmoniques et de la communion eucharistique de toutes les Églises orthodoxes autocéphale, et il agit de la sorte à travers les siècles en tant que centre de coordination de l’orthodoxie universelle. Le Patriarcat œcuménique prend part à la solution de problèmes et ne perturbe pas les relations entre les Églises orthodoxes sœurs.
Le métropolite de Volokolamsk, Hilarion, président du département des relations ecclésiastiques du Patriarcat de Moscou, a parlé d’un schisme planant sur l’Ukraine si finalement l’autocéphalie est accordée, ce qui menace l’unité de l’orthodoxie. En Ukraine on compte déjà trois Églises orthodoxes, tandis que reste ouverte la question de la Crimée, dont le statut est particulier en raison du contrôle de facto de la Fédération russe. Un tel scénario est-il plausible ?
Je ne voudrais en aucune façon commenter toute déclaration sur un soi-disant schisme, puisque le souci de l’Église est toujours la paix et l’unité. Le Patriarcat œcuménique ne menace ni n’est menacé. L’Église-mère a prouvé son souci de guérir les plaies dues aux différends et de résorber les schismes, et elle ne désire en aucun cas d’en créer d’autres. Comme il est affirmé dans le message du saint et grand concile de l’Église orthodoxe de 2016 « l’huile du vécu religieux doit être utilisée pour panser les plaies et point pour rallumer le feu des conflits ».
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