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Les racines chrétiennes de l’Europe

L’Europe et l’Église forment depuis plus de quinze siècles un tandem inséparable. L’Europe sans l’Église ou l’Europe à la place de l’Église ne serait plus l’Europe.
La question, éminemment inactuelle, des racines chrétiennes de l’Europe, s’invite régulièrement dans l’actualité, du Président Jacques Chirac se battant pour qu’il n’en soit pas fait mention dans le préambule de la Constitution européenne, au commissaire français Pierre Moscovici disant qu’il n’y croyait pas. Or une telle question ne devrait pas faire débat. Car sinon qu’est-ce que l’Europe ? Une donnée géographique ? Alors la Turquie en fait partie. L’ethnie, ou la langue, « indo-européenne » ? Elle comprend aussi les Iraniens, les Indiens, les Kurdes, les Arméniens… Une institution ? La Norvège a refusé d’y entrer, la Grande-Bretagne veut en sortir, d’autres la suivront peut-être… Alors peut-on donner raison au président turc, Recep Tayyip Erdogan, de l’avoir qualifiée de « club chrétien » ?
Oui, car l’Europe s’enracine évidemment dans le christianisme. Elle est en effet issue de la pars occidentalis de l’Empire romain, qui était officiellement chrétien lors du partage de 395. C’est dans cette moitié d’Empire, englobant l’Afrique du Nord, que vécut saint Augustin dont La Cité de Dieu a fondé un élément essentiel pour l’avenir de l’Europe : la distinction entre la « Cité des Hommes », dont la construction est la mission de l’État, et celle de Dieu, qui relève de l’Église, même si les deux doivent coopérer. Cette distinction était nouvelle, tant la tradition romaine était celle d’une confusion entre pouvoir politique et autorité religieuse. Une juste conception de la laïcité est dès lors un élément essentiel de l’ADN européen. Voyons maintenant quelques jalons sur la route de l’identité chrétienne de l’Europe.
Le temps des monastères
Le moine irlandais (saint) Colomban tout d’abord, fonde à la fin du VIesiècle une série de monastères dans les actuelles France, Suisse, Allemagne et Italie, maillons de réseaux économiques et intellectuels, et bases d’une culture commune. Il est le premier à avoir utilisé le terme « Europe » pour désigner notre région (pour les Grecs, l’Europe c’était grosso modo la Thrace), dans une lettre à Grégoire le Grand (590), et une autre à Boniface IV (614) : l’Europe était, pour lui, l’espace soumis à l’autorité du Pape.
L’Empire carolingien ensuite, est la véritable matrice politique et géographique de l’Europe. Des chroniqueurs désignent en effet Charles Martel comme chef des « gens d’Europe », son petit-fils Charlemagne comme « phare de l’Europe », Louis le Pieux le « prince de l’Europe », tandis que le pape Jean VIII (872-882) est qualifié de « recteur de l’Europe ». Citons enfin la règle de saint Benoît, imposée par Louis le Pieux, par souci d’unité spirituelle et culturelle, à tous les monastères de l’Empire (817), et la fondation, avec l’aide de l’Espagne et de l’Angleterre, de l’abbaye de Cluny (909), dont la carte des fondations qu’elle fera à son tour dessinera celle de l’Europe. L’éminent juriste Yves Guyon a défini les bénédictins comme « la clef de voûte » de l’Europe.
Deux rivaux : le Trône et l’Autel
Cet enracinement a bien sûr souvent été vécu de manière conflictuelle, la distinction entre le Trône et l’Autel n’étant jamais allée de soi. La papauté a régulièrement eu tendance à comprendre son rôle comme supérieur à celui des souverains qui, tirant de Dieu, donc d’elle, leur autorité, lui devraient aussi leur pouvoir, et qu’elle aurait le droit de déposer (ce qu’on a appelé, à tort, « l’augustinisme politique »). Ceux-ci ont pour leur part souvent cédé à la tentation d’intervenir dans les affaires de l’Église, en nommant évêques et abbés, jusqu’à prétendre au droit de désigner le Pape, ou d’en faire leur « chapelain privé », tel Charlemagne avec Léon III.
L’histoire de l’Europe est rythmée par ces conflits : Querelle des investitures (XIe siècle), lutte du Sacerdoce et de l’Empire (XIIe siècle), théorie des « Deux Glaives », « guelfes » contre « gibelins », sac de Rome par les armées de Charles-Quint (1527)… Jusqu’à la séquestration par Napoléon de Pie VI et Pie VII. Le sacre de 1804, immortalisé par David, n’est ainsi que l’écho de celui — mille ans plus tôt — de Charlemagne, qui tenta déjà de se couronner lui-même… Les schismes ont toujours eu, au-delà des prétextes théologiques, un arrière-plan politique, l’affirmation d’une identité nationale, comme en Angleterre. En France, celle de la monarchie absolue est allée de pair avec celle des libertés gallicanes.
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