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L’Eglise orthodoxe bulgare face à l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine

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Date de publication: Mars 2019



Pour être effective, l’autocéphalie récemment accordée par le Patriarche Bartholomée de Constantinople à l’Eglise orthodoxe d’Ukraine doit être admise par les églises orthodoxes locales. De plus, ces dernières doivent reconnaître le plus haut responsable de la nouvelle Eglise, le Métropolite Epiphanie de Kiev. L’Eglise orthodoxe bulgare n’a pour l’instant pas franchi le pas. Elle n’a pas non plus envoyé de représentant lors de la cérémonie d’intronisation du Métropolite Epiphanie, qui a eu lieu le 3 février 2019 en la cathédrale Sainte Sophie de Kiev. Comme chacune des églises locales, l’Eglise bulgare devra se prononcer sur cette autocéphalie.

La question de l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine a pris la forme d’un bras de fer entre le Patriarcat œcuménique de Constantinople et celui de Moscou. En Bulgarie, cette crise est en train de révéler l’existence de deux grandes divisions au sein de l’orthodoxie bulgare, dont se revendiquent 76% de la population1. La première fracture se joue au sein même des milieux dirigeants de l’Eglise orthodoxe bulgare, entre une puissante aile russophile et une aile méfiante à l’égard de Moscou. La seconde fracture traverse le tissu de l’Eglise définie comme un ensemble réunissant le clergé et les laïques. Plus précisément, les récentes initiatives pro-russes au sein du Patriarcat bulgare se situent à l’opposé des visions formulées par les intellectuels orthodoxes les plus médiatiques du pays, comme de celles soutenues par les plus populaires des médias orthodoxes bulgares.


Des signaux forts en faveur du Patriarcat de Moscou…


Au sein du Patriarcat bulgare, la frange russophile est consolidée et historique. Récemment, sa vitalité a été démontrée par un geste fort. L’Eglise orthodoxe bulgare n’a ainsi pas pris part au Concile panorthodoxe qui s’est tenu en Crète en 2016, emboîtant le pas à l’Eglise orthodoxe russe, décision qui a plus qu’agacé le Patriarcat œcuménique de Constantinople.

Plus récemment, le 2 février dernier, la révélation d’un projet non-officiel de position de l’Eglise orthodoxe bulgare sur l’autocéphalie ukrainienne a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans l’espace public. Suite à la remise d’un tomos2 par le Patriarcat de Constantinople ouvrant la voie à l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, une commission spéciale a été créée au sein du Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare afin d’élaborer la position de celle-ci au sujet de l’autocéphalie.


L’un des hiérarques aurait distribué ce document non-officiel quelques instants avant la réunion des membres de la commission synodale le 1er février 2019. Les débats auraient été vifs. Il est dit, dans ce projet de position, que l’Eglise orthodoxe bulgare refuse de reconnaître l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine. Selon ce document, l’Eglise bulgare doit exprimer une position ferme en faveur de la conservation du « territoire canonique de l’Eglise orthodoxe russe », argument mis en exergue par le Patriarcat de Moscou. La démarche du Patriarcat de Constantinople y est sévèrement critiquée, ce dernier étant accusé d’avoir créé de son propre chef une « église autonome » qui serait placée de fait sous l’autorité de son créateur. Cette tentative de positionnement démontre bien qu’une « aile russophile », selon les propos d’un spécialiste des questions ecclésiales, est bel et bien à l’œuvre dans les plus hauts cercles de l’Eglise bulgare3. Mais l’opposition ayant été suffisamment vigoureuse, le projet a été enterré, non sans avoir fait des vagues dans l’opinion publique.


Le fait qu’une partie du haut clergé bulgare exprime des points de vue en parfaite harmonie avec les positions du Patriarcat de Moscou ne constitue pas une réelle nouveauté. Déjà en juin 2017, bien avant la remise du tomos, les hiérarques bulgares ont exprimé de manière officielle leur opposition à l’idée d’une possible autocéphalie ukrainienne. Le Saint Synode de l’Eglise orthodoxe bulgare a adressé au Président de l’Ukraine, Petro Porochenko, une lettre signée par son plus haut dignitaire le Patriarche Néophyte. Dans ce courrier, le Synode bulgare demande au Président ukrainien de ne pas accepter les projets de lois visant à renforcer la protection des structures religieuses contre les offensives du Patriarcat de Moscou. Le Synode bulgare souligne également sa désapprobation de ce qui a été appelé le « Patriarcat de Kiev », structure officieuse viscéralement opposée au Patriarcat de Moscou. Il qualifie ce « Patriarcat de Kiev » de structure non-canonique pouvant mener le monde orthodoxe à la division. La lettre évoque les dangers du désordre qui pourrait survenir si l’Etat ukrainien venait à apporter son soutien à des structures non-canoniques, voulant dire par là des structures indépendantes des autorités ecclésiastiques de Moscou. Selon le Synode bulgare, une telle démarche de la part de l’Etat ukrainien reviendrait à renforcer le pouvoir des « extrémistes » dans ce pays. Ce faisant, la lettre recourt au vocabulaire de la propagande officielle de Moscou qui tend à criminaliser les tenants de l’indépendance ukrainienne4.


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