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L’Église orthodoxe d’Albanie hier et aujourd’hui.

Dans son discours à Bucarest à l’occasion de la séance solennelle dédiée aux souffrances des chrétiens orthodoxes sous le régime communiste, l’archevêque de Tirana Anastase a procédé à l’exposé suivant sur les persécutions religieuses en Albanie et sur la situation de l’Église orthodoxe, aujourd’hui, dans ce pays. Ce texte illustre les solutions trouvées par les orthodoxes albanais avec les contraintes de la constitution albanaise.
Le 28 octobre 2017, dans son discours à Bucarest à l’occasion de la séance solennelle dédiée aux souffrances des chrétiens orthodoxes sous le régime communiste, l’archevêque de Tirana Anastase a procédé à l’exposé suivant sur les persécutions religieuses en Albanie et sur la situation de l’Église orthodoxe, aujourd’hui, dans ce pays.
« Au cours de l’histoire mondiale, il y a eu de nombreuses formes de persécutions de la religion. Au XXe siècle, la persécution des chrétiens a été implacable dans les pays où les régimes communistes étaient prépondérants. Sa durée et son intensité variaient de pays en pays. En Albanie, après le retrait des occupants allemands (novembre 1944), le régime communiste d’Enver Hoxha s’est implanté définitivement et la persécution de la religion a commencé.
Pendant les premières 23 années, il s’agissait de la forme classique des persécutions telle que celle pratiquée en Russie et dans le Sud-Est de l’Europe. L’archevêque canonique, Mgr Christophore, a été arrêté et, le 19 juin 1958, on le trouva mort. Une attaque cardiaque était indiquée comme cause officielle du décès. Païssios Vondicas, prêtre veuf, devenu évêque de Korçë, a été nommé nouvel archevêque. En février 1950, à Tirana, une assemblée clérico-laïque de l’Église orthodoxe avait été réunie pour voter une nouvelle charte dans le contexte du nouveau régime, laquelle plaça l’Église sous le contrôle total de l’État. Pour tout engagement dans l’Église, même pour une ordination diaconale, l’approbation de l’État était nécessaire. En mars 1966, Païssios décéda et fut replacé sur le trône archiépiscopal par Damien, un ancien partisan qui, selon l’opinion de nombreux théologiens et prêtres respectables, a contribué personnellement à la dissolution de l’Église par ses ordres et ses actions personnelles. En 1967, il se retira à Pogradec, où il mourut, le 18 octobre 1973. Entre temps, l’effort pour ridiculiser l’Église et ses représentants était intensifié par diverses publications, des films et différentes calomnies.
Durant les 23 années suivantes (1967-1990), la persécution contre la religion devint totale et implacable. Par un décret publié le 22 novembre 1967, toute expression de la religion a été officiellement bannie par la constitution albanaise. Des centaines d’églises ont été démolies, d’autres ont été transformées en ateliers, entrepôts, cinémas, clubs, étables, etc. Presque tous les monastères ont été détruits ou utilisés comme camps militaires. Avant cette persécution totale, l’Église d’Albanie avait, en plus de l’archevêché, trois autres diocèses, 19 districts ecclésiastiques, 330 paroisses et 25 monastères. Le clergé a été démantelé par la force. Les biens ecclésiastiques (terrains, vases sacrés, archives) ont été confisqués. La moindre expression de foi chrétienne, la détention d’icônes, de livres religieux et d’autres actions semblables, ont été sévèrement punies. Pendant 25 ans, il n’y eut aucune ordination. Ce qui était encore plus tragique, c’est qu’aucun évêque n’a survécu. Dans les années sombres de la persécution athée, la confession de la foi orthodoxe fut discrète, avec des initiatives individuelles. Je me rappelle d’un cas typique : le père Georges était prêtre à Vouliarates, un village du sud du pays, près de Gjirokastër. Il avait fait des études d’enseignant et d’agronome. Lorsque les persécutions athées éclatèrent, il fut forcé d’abandonner son sacerdoce et travailla comme ouvrier à la construction de routes. Une fois, alors qu’il faisait une pause, fatigué par les travaux pénibles et le soleil de plomb, l’une de ses connaissances, un fidèle orthodoxe d’un autre village, s’approcha de lui et chuchota, plein de compassion : « Dans le monde, vous aurez des tribulations… ». Le père Georges releva doucement son visage et compléta la parole évangélique : « mais prenez courage, j’ai vaincu le monde » (Jn XVI, 33). Une autre fois, des athées fanatiques creusèrent une grande croix au milieu de la route et forcèrent le père Georges de marcher dessus. Il se mit à genoux pieusement devant elle, et inclina ses bras devant la Croix et l’embrassa. Un autre prêtre, le père Cosmas Kyrio, qui était également forcé de travailler manuellement et voyageait à grand renfort de précautions, célébrait et baptisait ceux qui en faisaientt la demande, secrètement. À Korçë, un groupe de femmes se rassemblait dans leurs maisons, avec les fenêtres fermées et bien d’autres précautions et organisaient des groupes de prière. Leur résistance pacifique, leurs prières ardentes et leur confession calme portèrent beaucoup de fruits, tandis que les moqueries et les insultes étaient continuelles. Les actions qui en résultaient étaient l’exil, les difficultés, les longs emprisonnements et les exécutions. Les membres du clergé n’étaient pas les seuls saints martyrs de la foi, mais aussi les laïcs et des familles entières.
Lorsque le régime communiste albanais s’écroula en 1991, l’Église orthodoxe d’Albanie était totalement en ruines. Les terribles épreuves qui ont détruit l’Église locale pendant des décennies comme un incendie, la faisaient ressembler à une terre désolée. Le Patriarcat œcuménique qui, en 1937, lui avait accordé l’autocéphalie, prit l’initiative de faire face à l’effondrement. En 1991, il m’envoya comme exarque patriarcal en Albanie, et je fus élu en 1992 archevêque de Tirana, Durrës et de toute l’Albanie, pour recréer l’Église autocéphale d’Albanie.
Depuis 1991, la liberté religieuse a été officiellement reconnue en Albanie. Elle a été formulée clairement dans la nouvelle Constitution de 1998. Nous avons été invités à participer à la préparation de celle-ci, en tant qu’observateurs et représentants des communautés religieuses, ce qui nous a permis de proposer des formalités spécifiques favorables à l’Église.
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